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Série La guerre aux glucides - Partie 2: Digérer la controverse liée aux glucides

Ces temps-ci, les influenceurs sur Instagram s’en sont pris aux glucides comme à la suprématie royale pendant la Réforme anglaise du XVIe siècle. Les glucides nuisent à notre mode de vie. Les glucides sont une hérésie. Bon, cette dernière est peut-être un peu exagérée. Mais d’où sortent ces idées si répandues à propos des glucides, et ces affirmations reposent-elles sur des preuves scientifiques?

Temps de lecture
7 mins
Publié le
2021/06/12
Par
Kylee Van Horn
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The War on Carbs Series - Part 2

Ces temps-ci, les influenceurs sur Instagram s’en sont pris aux glucides comme à la suprématie royale pendant la Réforme anglaise du XVIe siècle. Les glucides nuisent à notre mode de vie. Les glucides sont une hérésie. Bon, cette dernière est peut-être un peu exagérée. Mais d’où sortent ces idées si répandues à propos des glucides, et ces affirmations reposent-elles sur des preuves scientifiques?

Selon la personne avec qui vous parlez, l’apport en glucides recommandé en fonction des recommandations médicales officielles varie entre 45 et 65 % des calories. Cependant, il est désormais pratique courante pour ceux qui ont décidé que les glucides étaient les parias du garde-manger de suivre un régime faible en glucides, ou, encore plus restrictif, un régime cétogène, qui consiste à consommer 5 à 10 % des calories provenant de glucides, ou entre 20 et 50g de glucides par jour. À titre de référence, une tranche de pain de format moyen contient un peu moins de 20g de glucides.

Comment ce type d’alimentation a-t-il trouvé sa place? Le régime cétogène a été développé en 1920 pour traiter l’épilepsie et comme alternative au jeûne. Le régime « keto » amène le corps à se mettre en mode famine, où il utilise le gras plutôt que les glucides comme source d’énergie, ce qui entraîne la production de corps cétoniques (1). Dans le monde non médical, cette tendance a évolué du régime Atkins à la récente résurgence du mouvement keto. Bien que la diète cétogène soit viable en tant que traitement contre l’épilepsie, ses effets à long terme n’ont pas encore été démontrés. Toutefois, le régime lui-même favorise les carences nutritionnelles et une mauvaise santé intestinale, et accroît le risque de maladies cardiovasculaires (2). Bien qu’elles paraissent moins extrêmes, les diètes comme Whole30 et le régime paléo contribuent aussi à une approche restrictive quant aux glucides, avec des règles concernant les céréales, les sucres raffinés et les légumineuses.

Plusieurs défenseurs de ces régimes prétendent ce qui suit. Explorons la science qui sous-tend ces affirmations.

1re affirmation : les glucides font grossir

Vous avez certainement lu des manchettes sensationnalistes à cet effet. Les partisans des régimes keto et faibles en glucides soutiennent cette affirmation en mentionnant des pertes de poids de 5 à 10 livres par semaine une semaine ou deux après avoir entrepris le régime. Mais la science derrière cette perte de poids est mal comprise. Oui, lorsque vous entamez un régime cétogène, votre corps brûle les glucides emmagasinés dans votre foie et vos muscles. Pour chaque gramme de glucides emmagasiné en tant que glycogène, environ trois grammes d’eau sont aussi emmagasinés. Au début, la perte de glycogène mène à une perte de poids en eau. À long terme, le poids perdu en eau ne sera pas repris, à moins que les glucides ne reviennent (et remplacent les réserves de glycogène). Mais les glucides ne causent pas l’obésité. En fait, en 2017, une analyse réalisée en rassemblant 32 études d’alimentation contrôlée menées en restreignant la consommation de calories et de protéines a démontré que ni une consommation faible ni une consommation élevée en glucides n’avaient une incidence sur la perte de poids (3).

À plus long terme, les régimes cétogènes peuvent diminuer l’appétit, permettant d’ingérer moins de calories et de perdre du poids selon le principe de déficit calorique, qui est le même qu’avec tous les autres régimes (4). Cela étant dit, on préfère s’alimenter de façon plus réfléchie et moins se laisser tenter par les desserts pendant un moment (créant ainsi le même déficit calorique) que de risquer de subir quelques-uns des possibles effets nocifs de manger beaucoup de matières grasses et peu de glucides : mauvaise haleine, baisse d’énergie, nausées, vomissements, constipation, troubles du sommeil, possibles carences en vitamines et problèmes d’hyperlipidémie (5). Beurk!

2e affirmation : les glucides causent le diabète

Le fait de manger des quantités excessives de glucides&mdashde n’importe quel aliment, en fait&mdashpeut augmenter votre risque de maladie, mais consommer des glucides ne cause pas de diabète de type 2 comme par magie. Dans un article d’une revue systématique paru récemment, parmi 11 études, le risque de développer un diabète de type 2 était identique en suivant un régime élevé ou faible en glucides (6). Alors, qu’est-ce qui cause cette maladie? L’alimentation en général, le style de vie et les facteurs génétiques semblent contribuer en majorité au risque de diabète de type 2 et consommer des grains entiers, des fruits et des légumes et des légumineuses (des sources de glucides) peut en fait contribuer au maintien de saines habitudes alimentaires et diminuer l’incidence de plusieurs maladies.

3e affirmation : le cerveau ne fonctionne pas bien quand on consomme des glucides

En fait, votre cerveau préfère les glucides comme source d’énergie principale. Lorsque vous mangez des glucides, ceux-ci sont décomposés en glucose, qui alimente les cellules du cerveau, et contribuent même au bon fonctionnement de votre système nerveux central. Un manque de glucides peut créer des étourdissements, et une faiblesse physique et mentale.

Cette affirmation s’inspire probablement du mythe selon lequel les enfants qui ont consommé du sucre deviennent hyperactifs. Il y a quelques raisons de penser que la montée ou la baisse d’énergie existent lorsque vous nourrissez votre cerveau de glucides simples comme le sucre, mais les glucides ne sont pas tous créés égaux (7)! Les glucides complexes (qui excluent les glucides simples comme le sucre) fournissent une énergie durable et sont une source de choix. Tout ceci sera expliqué dans les 3e et 4e parties de notre série d’articles.

4e affirmation : consommer moins de glucides permet de courir plus vite

La nouvelle tendance « peu de glucides et plus de gras » dans le monde du sport ne tient pas en compte le fait qu’avec un exercice de plus haute intensité (un pourcentage plus élevé de votre VO2max), vous utilisez plus de glucides comme source d’énergie. Sans eux, le corps utilise le gras et les muscles, ce qui est inefficace et vous ralentit. Cette théorie est soutenue par des chercheurs de renom. D’ailleurs, la récente recherche de la nutritionniste du sport Louise Burke’s, nommée avec justesse l’étude SUPERNOVA, démontre comment un régime faible en glucides et élevé en gras chez les marcheurs athlétiques de longue distance altère l’économie d’énergie pendant l’exercice et diminue les performances (8).

Avez-vous besoin de glucides?

Même si certains régimes à la mode nous donnent l’impression que les glucides sont tout à fait optionnels pour notre corps, est-ce vraiment le cas? Et finalement, c’est quoi la différence entre les glucides simples et complexes? Notre prochain article explorera plus en profondeur la façon dont notre corps traite les glucides et la science derrière ce que ceux-ci peuvent faire pour nous.


Découvrez: la série La guerre aux glucides

Série La guerre aux glucides - Partie 1: Les glucides, la culture et vous. 

Partie 3: Les glucides, en avez-vous vraiment besoin?

Partie 4: Comment exploiter la puissance des glucides



Sources:

1) Wheless, J. W. (2008, Novembre). History of the Ketogenic Diet. Epilepsia, 49(8), 3-5. PubMed. 10.1111/j.1528-1167.2008.01821.x

2) Harvard Medical School. (2020, Août). Should you try the keto diet? Harvard Health Publishing. Consulté le 28 avril 2021, à  Should you try the keto diet? – Harvard Health Publishing

3) Hall, K. D., & Guo, J. (2017, Mai). Obesity Energetics: Body Weight Regulation and the Effects of Diet Composition. Pathogenesis of Obesity, 152(7), 1718-1727.  Obesity Energetics: Body Weight Regulation and the Effects of Diet Composition

4) Gibson, A. A., Seimon, R. V., Lee, C. M., Ayre, J., Franklin, J., Markovic, T. P., Caterson, I. D., & Sainsbury, A. (2015). Do ketogenic diets really suppress appetite? A systematic review and meta-analysis. Obesity reviews : an official journal of the International Association for the Study of Obesity, 16(1), 64–76. https://doi.org/10.1111/obr.12230

5) Wheless, J. W. (2001). The Ketogenic Diet: An Effective Medical Therapy With Side Effects. Journal of Child Neurology, 16(9), 633–635. https://doi.org/10.1177/088307380101600901

6) Noto, H., Goto, A., Tsujimoto, T., & Noda, M. (2016). Long‐term Low‐carbohydrate Diets and Type 2 Diabetes Risk: A Systematic Review and Meta‐analysis of Observational Studies. Journal of General and Family Medicine, 17(1), 60-70.  Long-term Low-carbohydrate Diets and Type 2 Diabetes Risk: A Systematic Review and Meta-analysis of Observational Studies

7) Mantantzis, K., Schlaghecken, F., Sünram-Lea, S. I., & Maylor, E. A. (2019). Sugar rush or sugar crash? A meta-analysis of carbohydrate effects on mood. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 101, 45-67.

8) Burke, L. M., Ross, M. L., Garvican-Lewis, L. A., Welvaert, M., Heikura, I. A., Forbes, S. G., Mirtshin, J. G., Cato, L. E., Strobel, N., Sharma, A. P., & Hawley, J. A. (2017, Février). Low carbohydrate, high fat diet impairs exercise economy and negates the performance benefit from intensified training in elite race walkers. The Journal of Physiology, 595(9), 2785-2807. PubMed. 10.1113/JP273230

KYLEE VAN HORN

Kylee Van Horn, RDN is an endurance sports dietitian and freelance nutrition writer who takes a balanced, sustainable approach to fueling for performance.